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Monochrome Web : Site "Par & Pour Déficients Visuels"Rubrique : Le Podcast "Série Noire Pour Une Canne Blanche"Épisode #3 : "L'Enfer Des Places"Méthode D'Écoute ModerneTranscription Texte
Je suis Lise Wagner, et je vous accueille dans ma "Série Noire Pour Une Canne Blanche". "Série Noire Pour Une Canne Blanche", c'est le podcast qui vous fait découvrir les défis qu'affrontent quotidiennement les personnes qui, comme moi, voient le monde avec leurs mains et leurs oreilles. Aujourd'hui, pour ce troisième épisode, je vous emmène à la découverte des grandes places de la capitale des Gaules et de tous les pièges qu'elle renferme pour les personnes qui n'ont pas eu la bonne idée d'avoir un œil de lynx. Les places publiques; et oui, ces grands espaces qui rivalisent de beauté architecturale où les piétons se plaisent à flâner le nez au vent. Oh oui, d'en parler ça me ferait presque rêver. En réalité, je ne m'en approche qu'avec beaucoup de prudence et je ne les traverse que quand j'y suis contrainte et forcée. Ça vous étonne? Essayez de traverser une place les yeux fermés, et vous comprendrez bien vite. Rien que dans l'hypercentre, la fameuse presqu'île, notre belle ville de Lyon abrite nombre de ces spécimens dont la simple évocation du nom me provoque des sueurs froides. Commençons par la place Carnot, un des lieux qu'il est difficile d'éviter quand on est lyonnais. Et oui, la place Carnot est un pôle d'échanges incontournable puisqu'elle abrite la gare de Perrache, la gare SNCF, mais aussi, la gare routière, une station de métro, une station de tram avec deux lignes, et d'innombrables lignes de bus. Sur cette place, avant de la maîtriser du moins partiellement, j'ai vécu pas mal d'aventures. Je ne compte pas les fois où j'ai tourné en rond en essayant de trouver l'entrée du métro ou l'entrée de la gare. J'ai rencontré toutes sortes de personnes, toutes sortes de mobilier urbain aussi, dont certains m'ont laissé quelques traces sur les tibias des genoux. Et un jour oui, un de ces fameux jour où j'étais complètement perdue à essayer de trouver la station de tram, j'étais alors dans un souterrain dont j'espérais qu'il m'amenait à ma destination et le seul indice que je pouvais avoir c'était les odeurs d'urine. Pas très agréable évidemment. Pas très agréable et un petit peu anxiogène aussi, parce que j'imagine toujours que si autant de personnes ont trouvé opportun de se soulager en cet endroit, c'est qu'il ne doit pas être très fréquenté. Et alors que j'étais dans ce souterrain, une personne m'a appelée de loin. J'étais pas très très rassurée, mais vu que je n'avais absolument aucune possibilité de fuir, le plus simple m'a paru d'aller vers cette personne qui m'appelait. Au final, j'ai très bien fait puisque cette personne n'était en réalité qu'une autre victime du manque d'accessibilité de ce lieu. C'était un monsieur en fauteuil roulant électrique et qui, me voyant galérer avec ma canne blanche dans un recoin, m'a proposé son aide pour rejoindre le cas du tram. Lui non plus ne pouvait pas passer par les chemins traditionnels empruntés par tout le monde. Enfin moi à la différence de lui, je l'aurais plus si je l'avais su. Mais en l'absence d'une signalétique adaptée, j'étais exactement dans la même situation. J'ai posé la main sur le dossier de son fauteuil et nous avons fait le chemin ensemble. Depuis la place Carnot, quand on remonte la presqu'île vers le nord, on arrive vers la fameuse place Bellecour, la plus grande place piétonne de France avec sa statue de Louis XIV sur son cheval. Théoriquement, cette place peut se traverser facilement pour rejoindre les grands axes piétons que sont au sud la rue Victor Hugo et au nord la rue de la République. Il y a même une bande en enrobé qui permet de traverser cette place en diagonale. Mais comme cette bande ne démarre pas du bord de la place, il est malheureusement impossible de la retrouver à l'aide d'une seule canne blanche qui nous renseigne sur ce qui se trouve à 1 mètre devant nous. Alors, là aussi, comme pour la place Carnot, ma stratégie c'est le contournement : Emprunter les trottoirs extérieurs de la place en espérant qu'ils ne soient pas trop encombrés par des mobiliers urbains ou autre événement temporaire. En continuant vers le nord, on arrive sur la rue de la République, un boulevard de la consommation. Si on arrive à se frayer un chemin entre les différentes manifestations, les personnes qui vous demandent de l'argent pour tout un tas de causes possibles et imaginables, les chalands qui regardent les vitrines sans se préoccuper de leurs congénères, on arrive sur la place de la République où on peut, si on n'est pas très attentif, prendre un petit bain de pied voire un bain court si la chute est un peu trop directe. Mais il faut croire que ça fait partie du charme de la ville d'avoir de grands bassins de plain-pied sans aucune protection. Toujours sur la presqu'île, la place des Terreaux (Qui est la place de l'hôtel de ville et qui a été tout récemment rénovée) possède aussi son lot de petits jets d'eau prêts à mouiller les pieds des plus distraits. En résumé, pourquoi les places sont aussi difficiles à appréhender pour les personnes déficientes visuelles? C'est tout simplement parce qu'il n'y a pas de repère tactile la plupart du temps. Alors, comme le dit souvent un ami, on se sent tout simplement comme une savonnette sur du carrelage : Ça glisse. Et on a beau avoir une boussole dans la tête et un super sens de l'orientation, on a vite fait de tourner en rond quand on n'a pas de repère. Là, je vous parle de Lyon; mais le problème se pose dans toutes les grandes villes. Il est pourtant possible de concevoir des places où tout le monde se sente bien, et où même les personnes déficientes visuelles peuvent se repérer. Pour cela, il suffit de jouer sur les contrastes des matériaux, les contrastes tactiles mais aussi les contrastes de couleurs. On peut prévoir des espaces bien délimités pour que l'environnement soit lisible et qu'on puisse s'y repérer facilement. En complément, on peut aussi penser à la signalétique sonore, des bornes d'information vocale qui peuvent se déclencher à distance avec une télécommande à la manière des feux sonores. D'ailleurs, il existe de plus en plus d'exemples d'aménagements réussis. Le fameux pôle d'échanges de Perrache dont je vous parlais au début, depuis mes aventures, a quand même fait l'objet de nombreux aménagements comme l'installation de balises sonores; mais aussi, depuis très peu de temps, d'une bande de guidage qui permet de rejoindre la sortie du pôle d'échanges au passage piéton le plus proche. D'autres villes ont aussi équipé leur place de balises sonores pour faciliter l'orientation des personnes déficientes visuelles. Pour vous en citer quelques-unes, je pense à Orléans, Salon-de-Provence, Saint-Étienne; Paris, je crois que c'est en cours. Voilà, il y en a de plus en plus et c'est une très bonne chose. Bon, vous l'aurez compris, si vous voyez une personne avec une canne blanche au milieu d'une place, n'hésitez pas à lui proposer votre aide. Ne supposez pas que parce qu'il n'y a pas d'obstacle autour d'elle, elle va s'en sortir. J'espère que cet épisode vous a plu. La prochaine fois, nous partirons à la découverte des pièges des chambres d'hôtel. Vous venez d'écouter "Série Noire Pour Une Canne Blanche", un podcast proposé par Okeenea. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de la série sur le Webzine Okeenea, webzine.okeenea.com, et toutes les plateformes de podcast. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager largement avec votre entourage. Quant à moi, je vous retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de mes aventures. Pensez à vous abonner pour être sûr de ne pas le rater. D'ici là, vous pouvez reprendre une activité normale. Portez-vous bien! Lien De Téléchargement DirectCopyright (©) Stéphane VINCENT 2006-2099 Monochrome Web, Site "Par & Pour Déficients Visuels" - Tous Droits Réservés |